Les Contes de Perrault au programme de Terminale ne forment pas un ensemble homogène. Tous n'ont pas été publiés à la même date et dans le même recueil, les plus anciens ont paru en 1791 sous la signature de Charles Perrault et ils sont en vers. Les trois contes en vers sont eux mêmes très disparates quant aux sujets qu'ils abordent et aux registres qu'il utilisent, ainsi l'on a pu considérer, à juste titre, que Perrault s'y livrait à des exercices de style propres à divertir les salons mondains de son temps. Le plus inattendu de ces textes est probablement le conte intitulé Les Souhaits ridicules qui est le seul qui ne ressortit nullement au registre merveilleux mais clairement à la satire. Enfin, bien qu'il soit assez éloigné des autres, il contient tout de même en filigrane une profession de foi du conteur Moderne.
En premier lieu, il convient de s'attarder sur l'exercice de style que constitue le conte à analyser. Et comme on le voit dans les trois textes en vers, l'auteur maîtrise tout à fait un style fait de prosodie un peu maniérée, d'un riche lexique tantôt savant tantôt populaire et de références érudites. Au même titre que les autres textes en vers, Les Souhaits ridicules semblent le résultat d'une création à première vue formelle, consistant à surmonter les difficultés de contraintes que l'auteur s'impose comme un défi dont il relève le gant pour la plus grande satisfaction des salons mondains où sont les premiers auditeurs et plus encore auditrices des exploits littéraires du conteur.
Mais avec Les Souhaits Ridicules, il aura mis la barre très haut. En effet, ce conte paraît presque détonnant en raison de son sujet vulgaire. Toujours dans la perspective de l'exercice de style, force est de constater que Perrault ne recherche pas la facilité ici, traitant avec élégance un sujet grossier. Et en effet, outre la composition en vers qui confère au texte une forme de légèreté a priori contraire au sujet, le style général du conte par sa mondanité même entretient une distance de bon aloi avec les personnages populaires mis en scène. Il est probable qu'à l'épreuve de cet exercice périlleux, Perrault aura été déclaré lauréat par ses auditeurs contemporains les plus exigeants.
Sans doute Les Souhaits ridicules mérite-il cette distinction, force est de constater néanmoins que le texte ne fait pas partie de ceux que la postérité a élu. Exception faite de Peau d'Âne, et encore parce qu'une version en prose du conte a rapidement circulé, les contes en vers n'ont pas connu le succès retentissant et durable des contes en prose. Quant aux Souhaits ridicules, on peut comprendre qu'il ait semblé ne pas aller vraiment au-delà de l'exercice de style qu'il constitue dans la mesure où de la référence mythologique au point de départ du conte jusqu'à sa chute grotesque, la volonté d'étonner par une certaine virtuosité plutôt que de divertir, affleure régulièrement. Tant et si bien que le conte relève davantage de la curiosité que du génie du genre.
Isolé dans l'œuvre au programme, Les Souhaits ridicules mérite un examen plus minutieux que celui qu'autorise la postérité seule. Tout d'abord, on peut s'attarder sur la référence mythologique, nulle part ailleurs explicite et développée comme elle l'est ici. Mais, loin d'élever le conte au registre épique ou tragique, cette intervention de Jupiter, par le fort contraste qui s'opère entre sa majesté mythologique et la vulgarité du couple formé par Blaise et Fanchon, accentue cette dernière et avilie quelque peu la première. Il s'agit clairement de ridiculiser les personnages (le titre nous avait prévenu) et non de recourir à un quelconque merveilleux : la satire est patente.
En effet, Perrault s'emploie dans Les Souhaits ridicules à railler le travers (français ?) qui consiste se plaindre de tout et de rien sans discontinuer et, surtout, en pure perte autrement dit pour le plaisir de la plainte. Ainsi Blaise geignant sur son sort et incapable, quand l'occasion lui en est donnée, d'améliorer durablement sa situation. La satire s'affirme à travers l'usage que fait le bûcheron du don divin : point de merveilleux dans cette intervention d'une forme de magie, mais le conventionnel stéréotype des " trois vœux " auquel personne ne croit. Dès lors, leur emploi seul retient l'attention et l'on voit Blaise se fourvoyer, obéissant à ses pulsions plutôt qu'à sa réflexion. Apparemment loin des grandeurs de la tragédie, Perrault par la satire se livre à une condamnation fort voisine des passions.
Cependant, le rapprochement est audacieux si l'on songe au registre grotesque dans lequel verse le conte. Outre la gageure qui consiste à traiter en mondain du boudin, il est permis d'admirer l'audace de Perrault qui regroupe en un même recueil les délicatesses poétiques de Peau d'Âne et la grandeur de Grisélidis d'une part, le grotesque appendice de Fanchon d'autre part. L'énormité de l'image ainsi créée amplifie encore le propos satirique qui, finalement n'épargne personne, pas même les femmes, victimes sans doute de la bêtise des hommes, mais aussi, pour être si enlaidies, de leur duplicité.
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En premier lieu, il convient de s'attarder sur l'exercice de style que constitue le conte à analyser. Et comme on le voit dans les trois textes en vers, l'auteur maîtrise tout à fait un style fait de prosodie un peu maniérée, d'un riche lexique tantôt savant tantôt populaire et de références érudites. Au même titre que les autres textes en vers, Les Souhaits ridicules semblent le résultat d'une création à première vue formelle, consistant à surmonter les difficultés de contraintes que l'auteur s'impose comme un défi dont il relève le gant pour la plus grande satisfaction des salons mondains où sont les premiers auditeurs et plus encore auditrices des exploits littéraires du conteur.
Mais avec Les Souhaits Ridicules, il aura mis la barre très haut. En effet, ce conte paraît presque détonnant en raison de son sujet vulgaire. Toujours dans la perspective de l'exercice de style, force est de constater que Perrault ne recherche pas la facilité ici, traitant avec élégance un sujet grossier. Et en effet, outre la composition en vers qui confère au texte une forme de légèreté a priori contraire au sujet, le style général du conte par sa mondanité même entretient une distance de bon aloi avec les personnages populaires mis en scène. Il est probable qu'à l'épreuve de cet exercice périlleux, Perrault aura été déclaré lauréat par ses auditeurs contemporains les plus exigeants.
Sans doute Les Souhaits ridicules mérite-il cette distinction, force est de constater néanmoins que le texte ne fait pas partie de ceux que la postérité a élu. Exception faite de Peau d'Âne, et encore parce qu'une version en prose du conte a rapidement circulé, les contes en vers n'ont pas connu le succès retentissant et durable des contes en prose. Quant aux Souhaits ridicules, on peut comprendre qu'il ait semblé ne pas aller vraiment au-delà de l'exercice de style qu'il constitue dans la mesure où de la référence mythologique au point de départ du conte jusqu'à sa chute grotesque, la volonté d'étonner par une certaine virtuosité plutôt que de divertir, affleure régulièrement. Tant et si bien que le conte relève davantage de la curiosité que du génie du genre.
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Isolé dans l'œuvre au programme, Les Souhaits ridicules mérite un examen plus minutieux que celui qu'autorise la postérité seule. Tout d'abord, on peut s'attarder sur la référence mythologique, nulle part ailleurs explicite et développée comme elle l'est ici. Mais, loin d'élever le conte au registre épique ou tragique, cette intervention de Jupiter, par le fort contraste qui s'opère entre sa majesté mythologique et la vulgarité du couple formé par Blaise et Fanchon, accentue cette dernière et avilie quelque peu la première. Il s'agit clairement de ridiculiser les personnages (le titre nous avait prévenu) et non de recourir à un quelconque merveilleux : la satire est patente.
En effet, Perrault s'emploie dans Les Souhaits ridicules à railler le travers (français ?) qui consiste se plaindre de tout et de rien sans discontinuer et, surtout, en pure perte autrement dit pour le plaisir de la plainte. Ainsi Blaise geignant sur son sort et incapable, quand l'occasion lui en est donnée, d'améliorer durablement sa situation. La satire s'affirme à travers l'usage que fait le bûcheron du don divin : point de merveilleux dans cette intervention d'une forme de magie, mais le conventionnel stéréotype des " trois vœux " auquel personne ne croit. Dès lors, leur emploi seul retient l'attention et l'on voit Blaise se fourvoyer, obéissant à ses pulsions plutôt qu'à sa réflexion. Apparemment loin des grandeurs de la tragédie, Perrault par la satire se livre à une condamnation fort voisine des passions.
Cependant, le rapprochement est audacieux si l'on songe au registre grotesque dans lequel verse le conte. Outre la gageure qui consiste à traiter en mondain du boudin, il est permis d'admirer l'audace de Perrault qui regroupe en un même recueil les délicatesses poétiques de Peau d'Âne et la grandeur de Grisélidis d'une part, le grotesque appendice de Fanchon d'autre part. L'énormité de l'image ainsi créée amplifie encore le propos satirique qui, finalement n'épargne personne, pas même les femmes, victimes sans doute de la bêtise des hommes, mais aussi, pour être si enlaidies, de leur duplicité.
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La singularité des Souhaits Ridicules, leur isolement dans l'ensemble des Contes, ne doit pas nous dispenser d'entendre la leçon esthétique que le Moderne Perrault entend y dispenser avec force. Laquelle leçon est valable à divers degrés pour l'ensemble de l'œuvre au programme. Le dédicace du conte est tout à fait explicite sur un point essentiel que Les Souhaits ridicules illustre plus que n'importe quel autre texte: il s'agit naturellement de l'idée que le sujet traité importe peu pourvu qu'on le traite avec talent en quelque sorte. Perrault déclinant une histoire de boudin, signifie clairement son opposition aux Anciens qui ne jurent que par la prétendue hauteur des sujets qu'ils abordent.
C'est encore se moquer de ses adversaires Anciens que d'oser dévoyer le motif mythologique et, nous l'avons dit, il ne le fait que dans ce conte. En effet, la référence absolue des Anciens sont les auteurs de l'antiquité, ceux-là mêmes dont l'épopée ou la tragédie (genres majeurs s'il en est) puisent leur source aux péripéties des dieux de l'Olympe. Le Jupiter de Perrault cédant, comme un vieillard fatigué, aux plaintes d'un fruste bûcheron, exprime clairement la position des Modernes qui prétendent s'affranchir de la tutelle antique.
Enfin, bien qu'il emprunte en partie à la mythologie, sous les formes pour le moins ironiques que nous venons d'examiner, le conte des Souhaits ridicules évoque sans conteste le fabliaux du Moyen Âge, par son sujet, ses personnages et le milieu auquel ils appartiennent. Ce Moyen Âge honni des Anciens pour ses propensions soit au merveilleux, soit à la farce vulgaire, voici que Perrault le revendique pleinement. Ce n'est plus une leçon, c'est l'estocade !
La singularité des Souhaits Ridicules, leur isolement dans l'ensemble des Contes, ne doit pas nous dispenser d'entendre la leçon esthétique que le Moderne Perrault entend y dispenser avec force. Laquelle leçon est valable à divers degrés pour l'ensemble de l'œuvre au programme. Le dédicace du conte est tout à fait explicite sur un point essentiel que Les Souhaits ridicules illustre plus que n'importe quel autre texte: il s'agit naturellement de l'idée que le sujet traité importe peu pourvu qu'on le traite avec talent en quelque sorte. Perrault déclinant une histoire de boudin, signifie clairement son opposition aux Anciens qui ne jurent que par la prétendue hauteur des sujets qu'ils abordent.
C'est encore se moquer de ses adversaires Anciens que d'oser dévoyer le motif mythologique et, nous l'avons dit, il ne le fait que dans ce conte. En effet, la référence absolue des Anciens sont les auteurs de l'antiquité, ceux-là mêmes dont l'épopée ou la tragédie (genres majeurs s'il en est) puisent leur source aux péripéties des dieux de l'Olympe. Le Jupiter de Perrault cédant, comme un vieillard fatigué, aux plaintes d'un fruste bûcheron, exprime clairement la position des Modernes qui prétendent s'affranchir de la tutelle antique.
Enfin, bien qu'il emprunte en partie à la mythologie, sous les formes pour le moins ironiques que nous venons d'examiner, le conte des Souhaits ridicules évoque sans conteste le fabliaux du Moyen Âge, par son sujet, ses personnages et le milieu auquel ils appartiennent. Ce Moyen Âge honni des Anciens pour ses propensions soit au merveilleux, soit à la farce vulgaire, voici que Perrault le revendique pleinement. Ce n'est plus une leçon, c'est l'estocade !
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Ainsi, en raison de l'exercice de style épineux qu'il suppose et de la satire sociale virulente qu'il propose, Les Souhait ridicules est un conte véritablement surprenant et néanmoins, il contient peut-être la profession de foi la plus explicite de Perrault le Moderne. Bien que la postérité ne lui ait pas fait une place vraiment significative, la lecture de ce texte vaut au moins pour la lumière dont il éclaire, même modestement, le reste de l'œuvre. Si chaque conte de Perrault possède ses caractéristiques propres, on peut se demander si aucun d'entre eux offre autant de singularités que Les Souhaits ridicules.
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