dimanche 21 octobre 2007

Riquet

Merveilleux et réalisme dans les Contes de Perrault et les gravures de Doré

Gros plan sur… Riquet à la Houppe

Introduction : nous avons vu en classe que Doré choisit de n'illustrer qu'un épisode du conte, qui plus est le seul que l'on puisse qualifier sans hésitation de merveilleux. En effet, ces homoncules sortis de terre pour apprêter le banquet du mariage relèvent du prodige féerique et s'apparentent aux lutins farceurs et bienveillants des récits merveilleux. Mais, bien qu'il rattache le conte au registre merveilleux, cet épisode n'en semble être qu'un ornement accessoire, il pourrait être supprimé sans nuire véritablement à la trame narrative.
On en déduit que les contes de Perrault ne sont pas exclusivement merveilleux (mais n'allez pas pour autant raconter qu'ils ne le sont pas) et que Doré accentue les effets de ce registre par la représentation privilégiée qu'il en donne ?
Eh , pourquoi pas ? On peut toujours essayer…
Selon le plan suivant :

A- Une gravure merveilleuse ?

a- Oui : l'épisode retenu, le cadre forestier majestueux, la représentation des marmitons, l'inspiration mythologique (Riquet = un Orphée de contes de bonnes femmes).

b- Non : la satire est trop grande, voyez cette princesse idiote, ce Riquet docte voire pédant, ces homoncules qui nous tournent le dos et exécutent un ballet grotesque sous la baguette d'un chef burlesque.

c- En réalité, la gravure est hybride, bien plus que tout autre : en règle générale, Doré choisit une dominante par illustration (caricature et réalisme ou merveilleux romantique voire gothique), il peut mélanger les registres pour un conte (voyez l'opposition entre la première gravure pour BBD et les autres), rarement pour une illustration. Avec Riquet il semble hésiter entre cadre merveilleux et personnages caricaturaux, dans une telle indétermination, la caricature finalement l'emporte.

Pour plus de précisions sur la gravure, voyez le cours.

B- Le merveilleux du conte

a- L'épisode illustré : un ornement scénique, en aucun cas un moteur de l'action. Relisez le texte, vous verrez, il n'est pas "utile" que les cuisiniers sortent de terre pour que le récit avance : la princesse est intriguée par le bruit qu'ils font, certes, mais ils auraient pu en faire tout autant à la surface… Il s'agit donc bien de nous rappeler au registre merveilleux par un biais quasiment accessoire et néanmoins esthétique. Et pourquoi nous rappeler à l'ordre ainsi à ce moment ? Peut-être parce que, entre un prince laid mais beau parleur et une princesse idiote mais belle, nous eussions pu croire que nous lisions un récit satirique exclusivement…

b- Souvenez-vous de vos objections : mais, et les fées ? Y a des fées quand même ! (oui, quand c'est vous qui parlez, c'est vert, pourquoi ? je sais pas… et quand c'est moi "hors cours", c'est saumon parce que c'est comme ça) Rappelez-vous mes réponses et vous aurez la matière de cette partie de la démonstration, elle vise à relativiser considérablement le recours au merveilleux chez Perrault, dans Riquet en tous cas.

c- Bref, le merveilleux serait de pure forme dans Riquet ? Quant à la trame narrative, oui presque. Quant au cadre, presque également : cette forêt où les rencontres décisives ont lieu est bien trop stéréotypé (ou non identifiée) pour être à proprement parler merveilleuse. Quant au milieu social, c'est moins sûr, il y a du merveilleux chez ces princes et princesses aux parents excessifs (elle est tout de même incroyablement sorcière la mère des princesses, non ?) Enfin, du point de vue d'une représentation parfaite : c'est l'art oratoire et conversationnel atteignant à un idéal fort peu réaliste (voyez encore ce qui fut dit en cours à ce sujet des discours rapportés dans ce conte et de ceux qui ne le sont pas…)

C- Bon, et le réalisme ?

a- Celui de la gravure ? Alors là, ça ne va pas être simple, caricature burlesque si on veut, mais réalisme, que nenni ! D'ailleurs, vous pouvez vous reporter une fois de plus au cours pour relativiser grandement le réalisme de Doré : il représente un loup pour un loup, un chat pour un chat, un feu pour un feu, etc. certes, mais au-delà de cette obéissance soit aux fantaisies de Perrault (animaux doués de parole), soit à la représentation d'une réalité quotidienne et anecdotique (ustensiles, meubles, animaux), aucun réalisme "flaubertien" je vous l'ai dit en classe. Mieux, une vraie prédilection souvent pour le merveilleux virant au fantastique.

b- Davantage de réalisme dans le conte ? Oui, sans doute et cela a déjà été dit en cours, mais pas plus "flaubertien" que le précédent, évidemment. Pour une construction convenable de ce développement, rappelez à vous d'abord le réalisme social : avec Riquet celui des relations à la cour ; un réalisme teinté de satire bien entendu. Voyez la belle princesse enfin intelligente qui devient même un conseil pour son roi de père, tandis qu'il ne fut jamais question de cela pour sa sœur… Je vous laisse imaginer le sort fait aux laides et sottes !

c- Ce sont précisément ces signes de la présence de la société du XVIIe dans les Contes qui, les inscrivant dans une époque, les ancre de la plus sûre manière dans la réalité. Avec Riquet, pensez notamment à l'importance de la conversation brillante comme preuve d'un esprit supérieur : est-ce à cela vraiment qu'aujourd'hui on identifierais l'intelligence ? Non, "le beau parleur", est largement déprécié : c'est celui qui vous "embobine" et vous fait avaler n'importe quoi, il est assimilé à une forme de malhonnêteté. Un conte qui est une "défense et illustration" de l'art de la conversation est bien démodé finalement.

Conclusion : les Contes et les gravures de Doré ressortissent les uns et les autres au registre merveilleux, nous l'avons dit. Leur classification dans le registre réaliste demeure assez problématique pour les gravures dont l'ambition semble tout même être ailleurs ; elle est plus pertinente avec Perrault, à condition de ne pas sombrer dans l'anachronisme et de bien comprendre le terme de réalisme comme représentation de la société d'une époque. Merveilleux, l'art de l'illustrateur se distingue par son élan vers un fantastique gothique correspondant à une esthétique déjà presque dépassée lorsqu'il la met en œuvre. Tandis que le Moderne Perrault innove en s'affranchissant par le recours au merveilleux du conte des rigueurs classiques tout en continuant de tenir un discours pertinent, souvent satirique, sur ses contemporains. Tel est l'un des secrets majeurs de la réussite des Contes (en prose tout particulièrement) qui instruisent (bien plus encore que leur auteur ne pouvait l'imaginer) sans cesser un instant de divertir pour le plus grand plaisir de Camille.

Chers élèves, je vous le dis tout net, j'ai en grande partie rédigé ce travail mais je ne le ferai pas à chaque fois, loin de là.












Création

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Au travail,

C. Lhomeau